• la participation politique des jeunes

    Entretien avec Mme FOUMAKOYE N. Aicha

    « Les jeunes doivent investir les principales voies d’accès à la politique… »
     

    Vous avez beaucoup œuvré pour le renforcement du pouvoir politique des femmes à travers une panoplie de messages et d’actions notamment la loi sur le quota. Pensez-vous que cette stratégie expérimentée par le Niger peut-être utilisée pour favoriser la participation politique des jeunes?
    Je voudrais tout d’abord préciser que le système de quota est une mesure d’action positive à caractère transitoire universellement reconnue dont l’objectif est d’assurer à chaque citoyen, sans distinction aucune, la possibilité de prendre part à la direction des affaires publiques. Le quota a fait ses preuves dans de nombreux pays du monde (Finlande, Norvège, Italie, France, Sénégal, Niger…).

     

    Pour élaborer la loi  n° 2000-008 du 07 Juin 2000, dénommée loi sur le quota, nous nous sommes inspirés du ``Plan d’Action pour remédier aux déséquilibres actuels dans la participation des hommes et des femmes à la vie politique`` de l’Union Interparlementaire(UIP), Organisation mondiale des Parlements nationaux. Ledit Plan d’Action est lui-même inspiré de la vision suivante de la démocratie : <<Le concept de démocratie ne prendra un sens réel et dynamique que lorsque les orientations politiques et les législations nationales seront définies en commun par les hommes et les femmes, en prenant équitablement en compte les intérêts er le génie spécifiques des deux moitiés de la population>>. Il convient aussi de souligner que dans un souci d’équité, la Loi n° 2000-008 du 07 Juin 2000 ne s’adresse pas spécifiquement aux femmes mais aux citoyens de l’un et l’autre sexe.
    En outre, dès lors qu’elle ne vise pas les citoyens d’un groupe d’âge donné, la loi s’applique bel et bien aux jeunes nigériens de l’un et l’autre sexe remplissant les conditions d’âge requis et pourrait de ce fait favoriser leur participation politique.



    Êtes-vous satisfaite de la mise en œuvre de cette loi?
    A vrai dire non car, même si la loi a considérablement contribué à une bien meilleure représentation des femmes dans les instances de décision, tant dans les fonctions électives que dans les fonctions nominatives visées, des contraintes majeures subsistent quant à sa mise en œuvre:
    Pour les fonctions électives, la réalité des faits est à l’application minimale du quota, les pourcentages y consacrés étant considérés comme un plafond et non comme un  plancher.
    En outre, la plupart des partis politiques font figurer des femmes sur leurs listes à titre de figurantes, juste pour satisfaire les exigences légales. Or, c’est plus le nombre des femmes élues que des candidates qui importe. Il arrive que les partis ne respectent pas la loi(Le cas de deux partis lors des élections de 2011 dans les communes de Sarkin Yama et Djiratawa de la région de Maradi).
     La loi ne règle pas non plus la question de l’accès des femmes élues aux organes dirigeants des institutions, dominées par les hommes, elles ne peuvent donc dans de telles conditions participer à la prise de décision ni exercer une quelconque influence. Au Bureau de l’Assemblée Nationale par exemple, il ya 1 seule femme membre du Bureau sur 10, 0 femme Vice présidente sur 5; 0 femme Cheffe de groupe parlementaire sur 5; 0 femme Présidente de commission sur8… Dans les Conseils locaux,6 femmes mairesses sur 266.
    Le choix des candidates, le plus souvent contrôlé par les hommes, se fait, dans beaucoup de cas, sur une base subjective, la préférence allant à celles qui ne sont pas forcément les plus méritantes, mais plutôt à celles qu’ils peuvent instrumentaliser.
    Pour les nominations aux emplois supérieurs de l’administration et dans le gouvernement, force est de constater que, même à grade égal, les femmes sont le plus souvent discriminées et sous-représentées aux postes de responsabilité, à tous les niveaux. Il arrive par contre que certains secteurs (armée, mines, architecture, navigation aérienne, météo…) soient privés de cadres féminins au profil requis.
    Le recours en cas de contentieux administratif relatif aux actes de nomination(Chambre administrative de la Cour Suprême) s’avère plus compliqué que celui né du contentieux électoral (Cour Constitutionnelle),même si aucun recours n’est jusqu’ici usité alors que le décret d’application de la loi en prévoit.On pourrait noter par exemple que dans le meilleur des cas, la nomination des femmes au sein du gouvernement a toujours été appliquée au seuil minimal des 25% . Sous  la 7e République, par exemple, le 1er gouvernement comptait 6 femmes sur 24 soit 25% de représentation, le 2e gouvernement femmes/, soit % de représentation, le 3een compte  7 / 36soit  un pourcentage de %. L’administration territoriale compte 0 femme Gouverneure sur8; 1 seule femme SG de gouvernorat sur 8, aucune femme préfet/...Le non respect de la loi est encore plus criard aux échelons national, régional et local des emplois supérieurs techniques, sans qu’aucun recours ne soit introduit.
    Quelle lecture faites-vous aujourd’hui de la participation politique des jeunes au Niger?
    Au Niger, les jeunes en âge de voter représentent une frange importante de la population. Tout comme les femmes, au regard de leur poids électoral, ils sont les faiseurs de rois. L’enjeu de leur participation à l’œuvre de construction nationale est de taille pour notre pays et passe inévitablement par leur implication dans la gestion des affaires dont la politique constitue l’un des leviers essentiels. Citoyens à part entière, relève de demain, les jeunes ont non seulement le droit de participer à la vie politique mais ils en ont le devoir. Il est indéniable, les jeunes nigériens, étudiants et scolaires, ont pris une part active, si ce n’est la plus active, dans l’avènement et  la sauvegarde de la démocratie dans notre pays. Ils l’ont fait et continuent de le faire au prix de mille sacrifices. Mais en ont-ils tiré ou tirent-ils réellement profit? Car, même si leur voix porte et parvient à imposer une amélioration de la situation, la leur à un moindre degré et celle du pays en général, force est de constater, pour le déplorer, qu’ils sont le plus souvent instrumentalisés, voire exploités par les acteurs politiques. Divisés, certains jouent le jeu des gouvernants, d’autres celui des opposants, au détriment de leur avenir propre. Certains de leurs mouvements de protestation sont suivis d’actes fâcheux et irresponsables frisant l’anarchie et l’incivisme (casse, vandalisme, agressions..) qui occasionnent des réactions musclées et barbares des Forces de l’ordre. En somme, une situation dommageable que l’on pourrait éviter, pour peu que le dialogue ait droit de cité dans le cadre de la gestion des conflits. Le Niger et son peuple ont-ils réellement besoin de ce genre de participation à connotation négative? Pourrait-on, dans de telles conditions s’attendre à une relève politique digne de ce nom?
    Il ya lieu, à mon humble avis, de repenser la participation politique des jeunes, autrement dit, de développer le potentiel de cet important capital humain pour tendre vers une réelle redistribution du pouvoir politique où ces derniers seraient amenés à être de vrais acteurs de la vie sociopolitique du pays.

    Que proposeriez-vous pour encourager et favoriser la participation politique des jeunes?

    Promouvoir la participation des jeunes à la vie politique constitue un enjeu démocratique d’importance qui requiert de la volonté politique et une synergie d’actions entre tous les acteurs concernés par la question :
    Tout d’abord, le rôle clé incombe aux partis politiques qui doivent intensifier les efforts, faciliter et soutenir l’accès de cette frange de la population à la vie politique et  l’amener ainsi à réaliser, à tous les échelons, tout son potentiel en vue d’une participation responsable et éclairée.
    Des espaces d’échanges, de dialogue et de mentorat intergénérationnels entre leaders politiques devraient se créer pour accompagner les jeunes intéressés par la politique et les outiller. Les medias publics et privés devraient y contribuer pour assurer le changement de comportement requis.
    Aux pouvoirs publics, il reviendrait  de développer chez les jeunes une culture civique et citoyenne, de leur inculquer des valeurs de la démocratie et de l’État de droit pour en faire de réels vecteurs de changement et assurer leur inclusion  dans l’exercice des responsabilités politiques car <<aux hommes bien nés, la valeur n’attend point le nombre des années.>>
    La société civile, pour sa part, devrait mettre l’accent sur les actions de sensibilisation, lobbying et plaidoyer en faveur de la pleine participation des jeunes à la gestion des affaires. Ces actions recevraient, de la part des partenaires au développement, tout le soutien technique et financier requis.
    Mais il importe aux jeunes de convaincre de leurs capacités à être de réels protagonistes de la vie politique. Ils doivent, pour ce faire, investir les principales voies d’accès à la politique -syndicats, associations, partis politiques…-pour s’informer, se former et renforcer leur leadership.
    Leur participation politique doit revêtir une connotation positive, autrement dit, loin de se cantonner aux seules structures jeunesse d’animation des partis politiques, ils doivent prendre conscience de l’importance du rôle qui est le leur pour s’imposer et occuper des postes clés des organes de décisions pour influer et faire valoir leurs droits.
    Et plutôt que de se laisser diviser et exploiter, ils gagneraient à transcender les clivages politiques pour s’organiser, développer une culture de solidarité et  nouer une alliance stratégique interpartis de  jeunes pour œuvrer ensemble et constituer au sein de leurs formations politiques respectives, des pôles de changement.


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